
SANTÉ RÉUNION
L'INCONSCIENT

Notre inconscient, cette énigmatique part de nous-même,
détermine à notre insu nos actes, nos pensées, nos émotions.
Comprendre comment il fonctionne et s’exprime
est essentiel pour qui souhaite prendre sa vie en mains.
A l’heure de la psy triomphante, nous n’ignorons plus que douleurs inexpliquées, lapsus et conduites répétitives sont autant de messages codés en provenance de notre inconscient et que cette énigmatique part de nous-même détermine la majeure partie de notre vie.
Mais est-il un allié ou un ennemi ? Peut-on le contrôler ? Comment l’apprivoiser, l’utiliser pour vivre mieux?
Un théâtre intérieur
Une chose est sûre : nous sommes contraints de cohabiter avec lui, car son existence interdit au moi
« d’être le maître dans sa propre maison », pour reprendre une expression de Freud.
Même quand nous croyons agir librement, lucidement, nos actes sont motivés par des désirs logés dans l’inconscient.
L’inconscient est une sorte de théâtre intérieur, séparé de la conscience. Entre lui et elle, c’est l’éternel combat. Il veut se faire entendre, elle fait barrage.
Est-ce à dire que cet envahisseur constitue un danger pour nous ? Certes non, car il est là pour nous protéger de toutes les réalités que nous ne supportons pas.
Nous reléguons surtout en lui les pulsions violentes, les désirs et/ou penchants inavouables liés par exemple au sexe et à la mort, qui nous angoissent, car en contradiction avec notre moralité et nos idéaux.
En résumé, nous nous “fabriquons” un inconscient pour vivre tranquilles, la conscience en paix.
Aucun psy n’a pu déterminer l’âge exact auquel l’inconscient se forme chez l’enfant.
La plupart s’accordent à dire qu’il commence à s’édifier lorsque le petit accède au monde des mots.
Jacques Lacan affirme d’ailleurs dans ses Ecrits (Seuil, 1999) que « l’inconscient est structuré comme un langage ».
Energie psychique
L’inconscient ne surgit pas par miracle, mais à la faveur d’un mécanisme nommé le refoulement.
Semblable à un videur de boîte de nuit, il chasse - refoule - impitoyablement les clients indésirables, c’est-à-dire les images, pensées et émois trop perturbants.
Refouler, c’est oublier activement, d’où la mobilisation d’une grande quantité d’énergie qui rend l’opération psychiquement épuisante.
Loin d’être statique, l’inconscient est animé par l’énergie psychique, une force puissante nommée ainsi par Freud.
Elle s’exprime au quotidien par les rêves - « la voie royale vers l’inconscient », selon le père de la psychanalyse - par les lapsus, les actes manqués, les fantasmes.
Ces productions ont pour fonction de jouer les soupapes de sécurité, en laissant passer une quantité
« raisonnable » de désirs refoulés. Juste ce qu’il faut pour nous libérer, tout en nous épargnant angoisse et culpabilité.
Si lapsus, rêves, symptômes et autres productions inconscientes sont si incongrus et illisibles, c’est que, dans l’inconscient, l’énergie psychique se déplace librement d’une idée, d’une image à une autre.
Elle s’appuie sur des similarités phonétiques, associe des objets et des situations liés par des rapports inaccessibles à la conscience ordinaire : c’est le langage des processus primaires, caractéristiques de l’inconscient.
Se moquant de la logique, celui-ci ignore également le temps. C’est pourquoi, par exemple, Jacqueline, 70 ans, continue de se plaindre de la méchanceté de sa mère décédée vingt-cinq ans plus tôt, et que Lucie, 30 ans, reproche encore à sa sœur le vol de sa poupée, offerte par leur père pour son sixième anniversaire.
Un passé qui perdure
Il arrive que rêves, fantasmes et lapsus soient inaptes à endiguer le flot énergétique des désirs et des souvenirs enfouis qui cherchent à s’exprimer.
Se forment alors des symptômes - douleurs physiques, phobies, inhibitions, conduites répétitives, etc. -, compromis entre un désir inconscient pressé d’émerger et la censure qui s’oppose à sa prise de conscience.
En dépit de leur caractère douloureux, ces empêcheurs de bien vivre en disent long sur nous.
Parce qu’ils font perdurer un passé à jamais révolu, il arrive que nous tenions à nos symptômes autant qu’à nous-même et qu’une partie de nous s’oppose à leur disparition.
Il existe pourtant une solution : la verbalisation, qui permet de revivre les événements d’autrefois tout en s’épargnant les souffrances occasionnées par les conduites répétitives ou les somatisations.
C’est en cela que peuvent aider les psychothérapies, sophrologues, psychiatres et autres psychologues.
Cependant, il ne suffit pas de se placer face à un psy pour tout résoudre, car le travail intérieur rencontre toujours l’opposition du moi conscient : ce mécanisme s’appelle la résistance.
Si la conscience a refoulé de son champ désirs pernicieux, émois et pensées gênantes, c’est pour ne pas avoir à les affronter...Elle s’obstine donc à les ignorer, et résiste.
C’est pourquoi il est difficile de travailler sur soi en solitaire : la présence d’un professionnel en position de faire entendre ce que l’on refuse d’écouter est des plus utiles.
La résistance rend aussi compte de nos fâcheuses tendances à ne pas nous voir tels que nous sommes, à ne pas percevoir nos traits de personnalité les moins glorieux : lâcheté, désir de toute-puissance, égocentrisme, etc...d'où l'importance d'une aide objective.
L'apprivoiser, l'explorer
Mais peut-on parvenir à se voir réellement tel que l’on est ?
Comment cesser de se faire « avoir » par son inconscient ? Tout d’abord, un constat : on n’en finit jamais avec lui. Même après cinquante ans de travail sur soi. Heureusement d’ailleurs, car s’il en était autrement les analysants ne rêveraient plus, ne commettraient plus de lapsus et seraient incapables d’oublis. Aussi, une seule solution : l’apprivoiser !
Pour décrypter le discours de l’inconscient, il convient souvent d’expérimenter sa réalité par une thérapie.
La technique de « l’association libre » des idées, des images - le fameux « Dites tout ce qui vous passe par la tête sans trier » - est la seule qui introduise à son langage.
C’est en s’apercevant, par exemple, que tel ou tel rêve renvoie à telle scène de sa vie et explique tel symptôme, que le patient entre peu à peu en contact avec ses souvenirs et/ou désirs enfouis.
Et progressivement, il devient capable d’utiliser l’énergie utilisée par le refoulement pour la placer au service d’activités plus créatives : l’amour, l’écriture, l’art...
Surtout, il apprend à se connaître sous un jour inédit.
Cette exploration de soi n’est pas un luxe pour intellectuel, mais une expérience essentielle pour qui souhaite réellement prendre sa vie en main. Plus nous parvenons à lire les messages de notre inconscient, plus nous sommes capable de nous orienter dans l’existence, de savoir qui nous sommes et où nous en sommes.
En outre, cette lecture permet de faire disparaître les éventuels symptômes (tant que l’on est vivant, que l’on a un inconscient, on s’en fabrique).
Surtout, en osant affronter - verbaliser - nos désirs, nos envies, nos pulsions inavouables, nous cessons d’en avoir peur ou d’en avoir honte.
Nous acceptons mieux nos failles morales; et sommes plus à même d'y travailler pour y remédier, voire les transcander.
Etablir une bonne relation à son inconscient est peut-être la meilleure façon d’améliorer ses rapports avec sa conscience !
Pour résumer
Il nous protège :
Souvenirs désagréables, pulsions inavouables, traits de caractère peu glorieux. Nous “refoulons” tout ce qui nous angoisse ou contrarie notre moralité et nos idéaux.
Grâce à notre inconscient, nous vivons la conscience en paix.
Ses messages sont codés :
Lapsus, rêves et symptômes paraissent incongrus, parce que l’inconscient passe librement d’une idée à une autre, s’appuie sur des similarités phonétiques, associe des objets et des situations sans rapport apparent.
Il s’apprivoise :
Pour se débarrasser de ses symptômes physiques (maux chroniques, maladies etc), ou psychiques (sauts d'humeur, réactions inappropriés, tocs etc), de ses somatisations, de ses conduites répétitives, une seule solution : la verbalisation.
Une seule technique : l’association libre. C’est l’enjeu des psychothérapies.