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Le chêne est comme un monument.  Dont l'ombre ne sait qu'abriter des heures solennelles.  Où la légende, drapée, théâtrale, déclame ses merveilles.  Où la petite histoire, commère, radoteuse, chevrote et traîne à ses pieds.

Le chêne est comme un vétéran.  Chaque rameau le couronne. Chaque gland le médaille.  Et chaque coup de vent, remuant sa mémoire rameuse, défroissant sa feuillée, murmure à l'entour de vieux souvenirs.

 

Le port majestueux du chêne, que frappe la foudre; sa longévité, la dureté de son bois le vouèrent depuis l'Antiquité à des destinées souveraines.  Comme aux colonnes d'un temple, la toison d'or pendait à ses branches.  Hercule y tira sa massue.  Au bois de Dodone, Zeus, soufflant sur la chênaie, rendait ses oracles.

Yahvé parla à Abraham aux chênes de Mamré.

Et dans ses ramures, les druides cueillaient le gui.

 

Ces temps crédules le pensaient habité par des nymphes.

De Drys, nommant le chêne en grec, ils les appelèrent des Dryades.

Quant à leurs soeurs les hamadryades, naissant avec l'arbre elles mouraient aussi avec lui.

Abattre un chêne à l'insu des prêtres était en ces temps puni de mort.

 

En Gaule, pour mieux vaincre la résistance, César arma ses soldats de cognées.  Mais on rapporte qu'il dut lui-même, devant ses légionnaires, fendre un énorme chêne, se chargeant du sacrilège.

 

Puis comme en bien d'autres lieux, la Chrétienté, ne pouvant les éteindre, prit à son compte les traditions têtues.  On vit des chênes millénaires servir la religion nouvellement née; et l'arbre impie devint chapelle, s'orna de croix, de clochetons.  Et dans ses niches vermoulues, au lieu de chouettes veillèrent des saints de bois.

Chêne

(du Gaulois "Cassanus")

On se rappelle nos livres d'Histoire.  Saint Louis y rendait la justice sous un chêne.

Autour, la cour assemblée.  Au pied du monarque, un gueux agenouillé.  Dans l'ombre, un seigneur piteux.  Comme un dossier, le tronc noueux; comme un dais, la vaste ramée.  

 

On prêtait à ses feuilles le pouvoir de repousser les lions.  Le roi des animaux s'inclinait devant celui des arbres.

Ses couronnes ceignaient les statues, les athlètes et les héros.  Les empereurs romains osèrent de même s'octroyer cet honneur divin.  

Et l'armée française en dota ses képis d'importance.  

 

Quant à ses fruits, il n'en est point d'autres qui connurent tant d'emplois magnanimes.  Son gland ne parle-t-il pas d'abondance et de fécondité? Egalement symbole du sein d'où perle le lait maternel, la science perpétue cet ancien renom : du gland dérivent toutes les glandes.

L'akène minuscule fut, des siècles durant, la manne des troupeaux, la farine et la galette des famines.  On en fit des décoctions propres à guérir flux de ventre et de sang.

Aujourd'hui, le gland ne pend plus guère qu'aux rideaux.  Et sur les écharpes de la République...où se balancent ses glorioles d'or et d'argent.

 

L'écorce de chêne servit elle aussi de médicament.  Sa particulière astringence combattit les fièvres, les poisons, les morsures venimeuses.  Mais ses tanins obligèrent surtout les tanneurs, rendant les peaux imputrescibles.  

 

Et les racines, comme pour faire oublier les fades baies de ses branchages, nourrissent un champignon terreux qu'on crut longtemps appartenir au diable : la truffe, savoureuse et parfumée, désormais petite reine de la gastronomie.

 

Le chêne appartient à l'aristocratie du bois.  

Ses charpentes couvrirent les cathédrales, ses nefs coururent les océans.  

Ses lambris, ses parquets, ses mobiliers et machineries tinrent le haut rang des essences coûteuses.

 

La forêt domaniale de Tronçais, que réforma Colbert soucieux d'équiper la Marine, et ses futaies centenaires témoignent de ce passé.  

 

Ses bois d'oeuvre, comme les plus grands vins, en sont les crus classés.  

D'ailleurs les tonneliers ne s'y sont pas trompés.  Le fût de chêne anoblit assurément le jus de vigne.

A vrai dire, l'homme n'a pas trouvé mariage plus harmonieux.  

Et si les siens sont souvent hasardeux, celui qu'il fit du merrain et du vin pourrait, mieux que le temps pluvieux, bénir les mariages heureux.  

 

Le chêne symbolise à lui-seul la foule bruissante des arbres.  

Parfois, les hommes feignent de se croire aussi robustes que lui. "Fort comme un chêne", nomme les plus vaillants.

 

Il pourrait encore qualifier les plus généreux.  Rien de lui que le chêne ne nous ait donné. Moissons des glandées, écorces tanniques, liège des bouchons, bois des futailles, lames sous nos pas, poutres sur nos têtes.  Des humbles placages aux superbes châteaux.

 

Le chêne est un géant bienveillant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Descriptif des espèces :

 

 

A travers le monde, dans la famille des Fagacées, le genre Quercus regroupe quelque 250 espèces.

 

Seulement huit d'entre elles poussent chez nous à l'état spontané, dont trois occupent à elles seules le tiers de la surface forestière. 

 

Le chêne pédonculé, le chêne sessile et le chêne pubescent, que le promeneur confond fréquemment car malaisés à différencier, sont cependant bien distincts.

 

 

Le chêne pédonculé (Quercus pedunculata) porte sur un fût droit, épais et court, de grosses branches sinueuses, un feuillage irrégulier amassé en touffes.

Son écorce lisse et grisâtre brunit avec l'âge, se fendant en gercures longitudinales profondes.

Le gland, parfois rayé, pend au bout d'un long pédoncule.

Très exigeant en lumière, il pousse à découvert, souvent isolé. 

Avoisinant les 35 mètres, un demi-millénaire ne lui fait pas peur.

 

 

Le chêne sessile ou chêne rouvre (Quercus sessiliflora) atteint les mêmes performances; mais son port le différencie nettement.

Le fût, plus élancé, monte en flèche jusqu'à la cime, et les branches sont moins tortueuses.

Le feuillage, plus régulier, roussit souvent l'arbre en hiver.

Les fruits globuleux sont qualifiés de "sessiles" car directement rattachés au rameau.

L'espèce se plaît dans la futaie.  C'est le chêne des grandes forêts domaniales - Fontainebleau, Rambouillet, Orléans, Blois, Chinon, Tronçais -, les plus apprécié en ébénisterie.

 

 

Le chêne pubescent (Quercus pubescens) est un petit arbre ne dépassant pas 25 mètres.  

Court, tortueux, il arbore un feuillage irrégulier, d'une teinte pâle entre gris et vert due aux pubescences des feuilles et rameaux.

Le gland globuleux possède un pédoncule court, pubescent comme la cupule.  Poussant en taillis épars, ce chêne aime, comme la vigne, les grands cieux et les sols calcaires.   C'est le précieux truffier du Périgord.

 

 

 

Le chêne chevelu, le chêne tauzin et le chêne rouge ferment la marche des espèces à feuilles caduques.

 

 

Le chêne chevelu (Quercus cerris), beaucoup plus rare que les deux autres, est un grand arbre peu longévif originaire d'Europe de l'Est.

Le gland ovoïde, finement strié, au pédoncule bref, s'emboîte dans une cupule ébouriffée de lanières minces.

 

 

Le chêne tauzin (Quercus taza) est une essence océanique qui ressemble au chêne pubescent.

Peu exigeant quant aux sols à condition qu'ils soient silicieux, il est souvent blanchi par l'oïdium, un champignon parasite.

Son gland ovoïde possède une cupule duveteuse.

 

 

Le chêne rouge (Quercus rubra), souvent dit d'Amérique, fut introduit en France au XVIIIème siècle.

Croissant rapidement, assez rustique, calcifuge, il pousse mieux que le rouvre et le pédonculé dans les sols acides et argileux.

On admire en automne sa feuillée écarlate.  Les deux dernières espèces, chêne vert, ou yeuse, et chêne-liège, arborent des feuilles persistantes, et sont méditérranéennes.

 

 

Le Chêne vert (Quercus ilex), encore nommé yeuse, croît très lentement mais a une grande longévité.  

Avide de lumière, craignant le froid, il se contente de sols médiocres, plutôt calcaires.  

Petit, trapu, la ramification abondante, son feuillage est très dense.  Ses feuilles, luisantes, coriaces, souvent épineuses, ressemblent à celles du houx.

Autrefois, son aspect très sombre le fit ranger parmi les arbres funéraires.

 

 

Le chêne-liège (Quercus suber) n'aime ni le froid ni les lieux calcaires.

La silhouette ramassée, affaiblit par les prélèvements d'écorce, sa hauteur reste limitée à 15 mètres.

Ses feuilles dentelées ressemblent à celles de l'yeuse.

Il faut retirer la première écorce profondément crevassée, appelée liège mâle, pour que l'arbre fabrique le liège femelle, généralement prélevé tous les huit ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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